Un habitant d'l'Ile d'Orléans philosophait Avec le vent, les p'tits oiseaux et la forêt Le soir venu à ses enfants, il racontait Ce qu'il avait appris là-haut sur les galets Un beau matin, comme dans son champ, près du marais, Avec son chien, en sifflotant, il s'engageait Deux hommes armés à collet blanc lui touchent le dos, Très galamment, en s'excusant, lui disent ces mots Monsieur, monsieur, vous êtes sous arrêt Parc'que vous philosophez Suivez, monsieur, en prison vous venez Pour philosopher, apprenez Qu'il faut d'abord la permission Des signatures et des raisons Un diplôme d'au moins une maison spécialisée… Ti-Jean Latour, à bicyclette un soir de mai, Se dirigeait, le cœur en fête, chez son aimée Et il chantait à pleins poumons une chanson Bien inconnue dans les maisons d'publication Mes deux zélés de tout à l'heure passant par là Entendent chanter l'homme dont le cœur gaiement s'en va Sortent leur fusil, le mettent en joue sans hésiter Et lui commencent ce discours pas très sensé Ti-Jean, Ti-Jean, te voilà bien mal pris Parc'que tu chantes sans permis As-tu ta carte? Fais-tu partie d'la charte? Tu vois bien mon Ti-Jean Latour Faut qu'tu comparaisses à la cour Apprends que pour d'venir artiste Faut d'abord passer par la liste des approuvés... Et en prison Ti-Jean Latour et l'habitant Sont enfermés à double tour pendant deux ans Puis quand enfin l'autorité les libéra Écoutez bien mesdames, messieurs, ce qu'elle trouva Un homme savant et un compositeur Heureux, grands et seigneurs… On les pria d'accepter des honneurs Mais l'habitant, en rigolant, S'en fût en courant dans son champ Pendant qu'à bicyclette Ti-Jean Reprit sa route en chantonnant tout comme avant