Mon père est musicien.
 Mon frère est musicien.
 Ma mère est musicienne,
 Ell' joue d'la harpe ancienne.
 Mon père joue du violon.
 Mon frère du cymbalum
 Et moi, vous l'savez bien,
 Je n'joue de rien.
 Je joue à donner des visages
 Aux nuages qui courent dans le p'tit jour.
 Parfois, perdu dans le bocage,
 Je joue comme les oiseaux d'amour...
 Mon oncle est musicien,
 Il joue du cor prussien.
 Ma tante Adélaïde
 Connaît l'ophicléide...
 Mon jeune cousin Gaston
 Tâte du biniou breton
 Et même avec la bonne
 Un peu d'trombone...
 Le sam'di soir, il faut les voir, ah ! quell' merveille,
 Se réunir pour le plaisir de leurs oreilles.
 Au piano droit se tient parfois monsieur l'abbé
 Qui réussit à jouer aussi du galoubet.

 Ils attaquent tout de go
 La fille d'madame Angot !
 Après un verr' de bière
 Un peu de Meyerbeer.

 "Poète et Paysan"
 A bien des partisans,
 Mais qui gagne en tous cas ?
 C'est la Tosca !
 Alors, chacun me fait l'reproche
 De n'pas comprendre la beauté
 Des dièses, des croches, des doubles croches,
 Des soupirs et des noires pointées.
 Mon Dieu quell' défaveur !
 On me trait' de rêveur.
 On ajout' qu'à mon âge,
 C'est triste et bien dommage.
 Tu n'es bon, mon garçon,
 Qu'à faire des chansons.
 C'est vrai, c'est c'qui m'plaît :
 Refrains, couplets !
 Je suis un musicien
 Qui ne sait jouer de rien,
 Mais quand mon cœur s'exprime,
 Il trouv' des mots qui riment.
 J'n'ai pas, en vérité,
 Un' bonn' voix pour chanter,
 Oui, mais je l'fais vraiment
 Naturell'ment.
 Alors, alors la route est belle,
 Alors, alors le soleil luit.
 La vie pour moi se renouvelle
 Lorsqu'un air nouveau me conduit.
 Mon pèr' qui est musicien
 Joue mes chansons très bien.
 Ma mèr' qui est musicienne
 Les chante en Tyrolienne.
 Adélaïde, Gaston
 Les savent dans tous les tons.
 Dans ma famille en fête,
 Je suis prophète !