Tout le sang qu'ont versй
Les hommes dans la plaine
Et tous les trйpassйs
Des causes incertaines
Ont fait qu'а ce verger
Il pousse par centaines
La rose et le pommier, 
Aussi, la marjolaine.

Tous ceux qui ont criй
Que leur mort йtait vaine, 
Tous ceux qui ont pleurй, 
Le front dans la verveine, 
Tous ceux qui ont soufflй, 
Lа, leur derniиre haleine
Ont fait de ce verger
Sur la rive lorraine
Un creux tendre oщ s'aimer
Quand les saisons reviennent.

Tous ces dйsarзonnйs
Qui n'eurent le temps mкme
De dire, йmerveillйs:
"Ce sont tes yeux que j'aime.", 
Toutes ces fiancйes
Don't l'attente fut vaine, 
Ces hommes arrachйs
A leur noce prochaine, 
Sourient а regarder
Ceux que l'amour amиne
Sur l'herbe du verger
Quand leurs bouches se prennent.

Tous ceux qui ont laissй
Leurs amours quotidiennes, 
Les membres fracassйs
Et le sang hors des veines, 
Tous ceux qu'on a pleurйs
Lors des guerres anciennes, 
Ceux qu'on a oubliйs, 
Les sans noms, les bohиme, 
Se lиvent pour chanter
Quand les amants s'en viennent, 
Insouciants, йchanger
La caresse sereine
Qui leur fut refusйe
Au nom d'une rengaine.

Tout le sang qu'ont versй
Les hommes dans la plaine
Et tous les trйpassйs
Des causes incertaines
Ont fait qu'а ce verger
Il pousse par centaines
La rose et le pommier
Aussi, la marjolaine
Ont fait de ce verger
Sur la rive lorraine
Un creux tendre ou s'aimer
Quand les saisons reviennent.