Et si j'étais bizarre, Comment dire... asexué, Un peu comme un roseau Qu'on aurait déplanté Et puis qu'on aurait mis Tout au fond d'un jardin Avec de vieux outils, Près de la niche au chien, Si j'avais le teint clair Et la peau transparente Et de grands yeux ouverts Et qui jamais ne mentent, Des dents de magazine Et des lèvres de marbre, Des prénoms masculines Et presque pas de barbe, Et si j'aimais les femmes Juste par couverture, Non pas celles du lit, Celles qui couvrent l'armure, Qu'il me faut pour survivre Aux journaux racontars, A tous ceux qui n'croient pas Que lorsque vient le soir J'n'ai jamais eu besoin Pour dormir d'autre chose Que du corps bois de rose De ma première guitare. Et si j'étais violence, Comment dire... cuir métal, Le rêve en fer de lance, Le cœur tatoué de balles, Un sang qu'on ne peut plus Maintenir dans ses veines, Un bouillon malfaisant Plus pollué que la Seine, Et si j'étais sournois Au point que les méchants Me parlent à demi-voix Et m'écoutent en tremblant, Et si je jouais l'ami Pour étouffer, meurtrir, Si je jouais le gentil Juste pour me faire rire, Si derrière mes lunettes J'avais peur de vous voir, Si j'avais dans la tête Comme un grand drapeau noir, Une envie d'être seul, Sans femme et sans enfant, Si je changeais ma gueule, Si j'avais du talent, J'n'aurais pas eu besoin, Pour les mots que j'ai dits, De vos faux coups de mains, De vos points sur mes i. Et si j'étais timide, Comment dire... emprunté, Un oiseau dans le vide, Un robot débranché, Et si j'n'étais au fond, Après tout c'que j'ai dit, Qu'un soldat de carton Qui n'a pas d'ennemi, J'n'aurai pas eu besoin, Pour chanter mes chansons, De vos cœurs sur mes mains, De vos yeux sur mon front.