Tu portais dans ta voix comme un chant de Nerval Quand tu parlais du sang jeune homme singulier Scandant la cruauté de tes vers réguliers Le rire des bouchers t'escortait dans les Halles Tu avais en ces jours ces accents de gageure Que j'entends retentir à travers les années Poète de vingt ans d'avance assassiné Et que vengeaient déjà le blasphème et l'injure Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne Debout sous un porche avec un cornet de frites Te voilà par mauvais temps près de Saint-Merry Dévisageant le monde avec effronterie De ton regard pareil à celui d'Amphitrite Enorme et palpitant d'une pâle buée Et le sol à ton pied comme au sein nu l'écume Se couvre de mégots de crachats de légumes Dans les pas de la pluie et des prostituées Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne Et c'est encore toi sans fin qui te promènes Berger des longs désirs et des songes brisés Sous les arbres obscurs dans les Champs-Elysées Jusqu'à l'épuisement de la nuit ton domaine O la Gare de l'Est et le premier croissant Le café noir qu'on prend près du percolateur Les journaux frais les boulevards pleins de senteur Les bouches du métro qui captent les passants Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne Comme un soir en dormant tu nous en fis récit Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie Là-bas où le destin de notre siècle saigne La ville un peu partout garde de ton passage Une ombre de couleur à ses frontons salis Et quand le jour se lève au Sacré-C