Dis qu'as-tu fait des jours enfuis De ta jeunesse et de toi-même De tes mains pleines de poèmes Qui tremblaient au bout de ta nuit Il avait toujours dans la tête Le manège d'anciens tourments De la fenêtre par moment Parvenaient des bouffées de fête Où sont les lumières lointaines Voici fermés les yeux éteints Ce chant des lilas au matin De Montmartre à Mortefontaine Dis qu'as-tu fait des jours enfuis De ta jeunesse et de toi-même De tes mains pleines de poèmes Qui tremblaient au bout de ta nuit Tu meurs sans avoir vu le drame Carco qui ne sus que chanter Te souviens-tu de cet été De Nice où nous nous rencontrâmes On faisait semblant d'être heureux Le ciel ressemblait à la mer Même l'aurore était amère C'était en l'an quarante-deux Dis qu'as-tu fait des jours enfuis De ta jeunesse et de toi-même De tes mains pleines de poèmes Qui tremblaient au bout de ta nuit Excuse-moi que je le dise Dans ce Paris où tu n'es plus Comme Guillaume l'a voulu Qu'un nom qui se mélancolise Que l'avenir du moins n'oublie Ce qui fut le charme de l'air Le bonheur d'être et le vin clair La Seine douce dans son lit Dis qu'as-tu fait des jours enfuis De ta jeunesse et de toi-même De tes mains pleines de poèmes Qui tremblaient au bout de ta nuit Ce coeur que l'homme avec lui porte Ne change pas avec le vent Nous mettrons demain comme avant Des coquelicots à nos portes Les mots que nous avons cueillis Les voici pour celui qui meurt Passent les gens et tu demeures O poète de mon pays Dis qu'as-tu fait des jours enfuis De ta jeunesse et de toi-même De tes mains pleines de poèmes Qui tremblaient au bout de ta nuit