Je m'invente un pays où vivent des soleils
 Qui incendient les mers et consument les nuits,
 Les grands soleils de feu, de bronze ou de vermeil,
 Les grandes fleurs soleils, les grands soleils soucis,
 Ce pays est un rêve où rêvent mes saisons
 Et dans ce pays-là, j'ai bâti ma maison.

 Ma maison est un bois, mais c'est presque un jardin
 Qui danse au crépuscule, autour d'un feu qui chante,
 Où les fleurs se mirent dans un lac sans tain
 Et leurs images embaument aux brises frissonnantes.
 Aussi folle que l'aube, aussi belle que l'ombre,
 Dans cette maison-là, j'ai installé ma chambre.

 Ma chambre est une église où je suis, à la fois
 Si je hante un instant, ce monument étrange
 Et le prêtre et le Dieu, et le doute, à la fois
 Et l'amour et la femme, et le démon et l'ange.
 Au ciel de mon église, brûle un soleil de nuit.
 Dans cette chambre-là, j'y ai couché mon lit.

 Mon lit est une arène où se mène un combat
 Sans merci, sans repos, je repars, tu reviens,
 Une arène où l'on meurt aussi souvent que ça
 Mais où l'on vit, pourtant, sans penser à demain,
 Où mes grandes fatigues chantent quand je m'endors.
 Je sais que, dans ce lit, j'ai ma vie, j'ai ma mort.

 Je m'invente un pays où vivent des soleils
 Qui incendient les mers et consument les nuits,
 Les grands soleils de feu, de bronze ou de vermeil,
 Les grandes fleurs soleils, les grands soleils soucis.
 Ce pays est un rêve où rêvent mes saisons
 Et dans ce pays-là, j'ai bâti ta maison...